Source: J Ashbee, Rochester Castle, English Heritage Guidebook (London, 2013).
Guillaume I le Conquérant (r.1066-87) est probablement le bâtisseur du premier château de Rochester, après la Conquête de 1066. Ce château protégeait ce point de passage de la rivière Medway. Il était constitué en grande partie de structures de bois avec terrassements. Les remparts du château ont été construits en grande partie sur les anciennes fortifications de la cité romaine.
A la mort de Guillaume, le domaine est transmis à son fils, Guillaume II le Roux (r.1087-1100). Il doit défendre le château au cours d’un conflit brutal qui l’oppose à son oncle rebelle, l’évêque Odon de Bayeux, partisan de Robert, le frère de Guillaume II. Odon prend temporairement le contrôle du château, construit deux tours d’assaut en bois. Il est ensuite contraint de rendre sa garnison et est exilé.
Les dommages subis pendant le siège conduisent Guillaume II à consolider le château. Il loue les services de Gundulf, évêque de Rochester, qui reconstruit les murs en pierre du château, au moment même où il érige parallèlement la nouvelle église cathédrale de Rochester. Cette collaboration entre la couronne et l’Eglise se poursuit quand, en 1127, Henri I (r.1100-35) confie la garde permanente du château à l’archevêché de Canterbury, condition pour que soit construite une fortification dans les murs du château. L’archevêque Guillaume de Corbeil construit alors une tour – l’actuel donjon – qui était sans doute presque achevée au moment de sa mort en 1136. Décrit à l'époque comme «noble» et «exceptionnel», le donjon reste remarquable par sa finesse et sa hauteur, et l'on pense qu'il fut le plus haut bâtiment de ce type en Europe.
Bien que confié à l’archevêché de Canterbury, le château reste un bastion royal pendant le XIIe siècle. A plusieurs reprises, il est source de conflits entre le roi et l’archevêque, à l’image de la période qui oppose Henri II (r.1154-89) à Thomas Becket. Mais le conflit le plus sérieux intervient pendant le règne du roi Jean (r.1199-1216) et dégénère alors en l’un des plus célèbres sièges castraux de l’histoire anglaise. Durant l’été 1215, les barons rebelles prennent le château pour protéger Londres du roi, la ville étant tenue par les rebelles). Le 25 novembre, Jean commande 40 porcs et on brûle leur gras au cours d’une opération de mine qui fait s’écrouler la tourelle d’ange et d’importants parties de chaque côté des murs est et sud. Les rebelles se retirent alors dans la moitié nord du donjon et réussissent à tenir le château quelques jours de plus.
Henry III repare d’urgence les murs d’enceinte, mais ce n’est qu’à partir de 1226 que subsistent des traces de réparation sur le donjon. De la pierre gris-verte de Reigate a été utilisée à la place de la Pierre de Caen jaune d’origine, des arcs en plein cintre Normands ont été copiés et les moulures unifiées. La nouvelle tour est construite de forme circulaire tandis que la tour du même côté est arrondie, évitant l’usage des angles vulnérables, et suivant les usages architecturaux de la période. En 1239, le roi ordonna que la chapelle est chaulée, et en 1244 une chapelle supplémentaire est construite à côté des nouveaux appartements du roi.
En 1264, Simon de Montfort s’empare de Rochester contre la garnison royaliste, ce qui conduit au troisième siège de Rochester. Le 18 Avril, Vendredi Saint, il attaque le château utilisant la cathédrale et le prieuré comme quartier général, fait irruption dans la basse-cour le lendemain, bombarde la tour et détruit les murs le lundi suivant.
Depuis ce jour les bâtiments résidentiels dans la basse-cour ne seront jamais reconstruits. Le château en perdition se fait volé des matériaux de construction. En 1281 le fils d'Henry Edward (r. 1272-1307) ordonne d'abattre le hall et les chambres pour réutiliser leurs matériaux ailleurs.
Le château décline régulièrement au cours du 14ème siècle. Il est utilisé pour la détention de prisonniers. En 1369, les seuls bâtiments survivants sont le donjon, les "première et secondes portes", un hall, une cuisine et une étable. Durant l'été 1381, le château est attaqué et pris pour la dernière fois dans la révolte des paysans contre le roi Richard II (r. 1377-1399).
On ne connait presque rien du château au 15ème siècle, juste que des “agriculteurs et des occupants” louent une partie de la basse-cour intérieure et extérieure ainsi que les douves du château. En 1559 et 1600, Elisabeth I autorise l'enlèvement des pierres d'angle et des briques sur les murs du château pour construire un nouveau fort d'artillerie à Upnor. Vers le milieu des années 1660, le donjon perd son toit et ses planchers, avant d'être dessiné en 1670 par l'artiste Francis Place avec des remparts en ruine, de grandes fissures et de la végétation.
Pendant le 18ème et le 19ème siècles, le château de Rochester continue à se dégrader, sauf les deux tours rectangulaires du mur Est auxquelles des maisons et des dépendances à colombages sont ajoutées.
En 1884, la Société de Rochester ouvre un parc dans le château comme attraction touristique, ce qui conduit à la destruction de certaines caractéristiques historiques telles que la porte principale ou les restes de la tour de 1370 de Richard II.
De 1896 à 1904 plusieurs bâtiments furent réparés dans le château tels que le donjon, les galeries murales, les hauts des murs, les remparts et les tours d'angle. Le sous-sol fut creusé jusqu’au niveau actuel.
English Heritage a pris la responsabilité du donjon à partir de 1984, qui est maintenant géré par le Medway Council avec les jardins du château.