L’abbaye à laquelle appartenait l’église a été créée dans la première décennie du XIe s. par Judith de Bretagne épouse du duc Richard II (996-1026). Richard II confia l’achèvement de l'église à l’abbé italien Guillaume de Volpiano († 1028), réformateur du monastère de Fécamp où il avait été appelé en 1001. Les travaux furent achevés par le premier abbé, Vital de Creully (nommé vers 1060, † 1082), à qui cette réalisation vaudra le privilège considérable de devenir abbé de Westminster en 1076.
L’ensemble des travaux date majoritairement des trois premiers quarts du XIe s. Malgré la destruction de la façade et de l'abside romanes, l'église se présente encore comme le prototype où sont pour la première fois mises en œuvre les caractéristiques de l’architecture romane anglo-normande :
- un chevet à plan échelonné, de type bénédictin (au lieu du déambulatoire ou du simple chevet plat), unique vers 1020 en Normandie et dont le modèle repris plus tard par les abbayes de Caen a sans doute été rapporté de Bourgogne.
- des piles composées, apparues à la même époque, vers 1030, à Auxerre, Nevers, Saint-Benoît-sur-Loire ;
- un passage dans l’épaisseur du mur, au niveau supérieur du mur oriental du transept, influence venue de Sainte-Bénigne de Dijon.
Le décor est encore très abondant, varié et de qualité. Trois ateliers de sculpteurs ont pu être individualisés : l’un puisant ses sources dans l’art de la vallée du Rhône et de Bourgogne (chapiteaux à palmettes et entrelacs ornant les baies du deuxième niveau du chœur et du transept ; bases à entrelacs), un second d’inspiration ottonienne (décors végétaux et animaux raffinés sur des corbeilles tronconiques à tablettes) et un troisième, dans la nef (corbeilles dérivées du corinthien).
Ces influences bourguignonnes et leur diffusion illustrent la capacité des ducs de Normandie à attirer l'élite des réformateurs ecclésiastiques et à leur confier de grands chantiers comme l'italien Guillaume de Volpiano, avant Lanfranc et Anselme à la génération suivante. Ces influences sont aussi celles de l'empire germanique dont les vastes cathédrales et abbatiales inspirent les programmes normands sur le continent et dans les îles britanniques.