Vers 1025, sous le règne du duc de Normandie Richard II, la ville de Caen se développe « sur la rivière Orne de part et d’autre, avec ses églises, ses vignes, ses prés, ses moulins, avec le marché, le tonlieu, le port et toutes ses dépendances[GC1] ». Ce n’est alors qu’une agglomération secondaire à vocation commerciale dont l’activité est favorisée par la présence du port. Cet avantage, associé à l’existence d’un éperon rocheux propice à l’édification d’un château, n’aura pas échappé au duc Guillaume. Vers 1060, un peu plus d’une décennie après sa victoire décisive à la bataille de Val-es-Dunes contre ses barons révoltés, le prince y établit sa résidence. Simultanément à la construction du château, Guillaume et son épouse Mathilde établissent deux abbayes à Caen, l’Abbaye aux Hommes, et l’Abbaye aux Dames. Le bourg ducal est doté d’une enceinte à la même époque. Dans cette seconde moitié du XIe siècle, la ville devient un gigantesque chantier favorisant l’afflux de populations nouvelles, qui vont contribuer à faire de Caen une ville de première importance, la deuxième du duché de Normandie après Rouen.
Bâti sur l’éperon rocheux qui domine le bourg ducal, le château de Guillaume impressionne par ses dimensions, plus de cinq hectares, barrés au nord par un profond fossé défensif. La résidence princière, est installée à l’abri des hautes murailles et côtoie la paroisse Saint-Georges et ses nombreuses maisons.
À l’ensemble palatial attribué à Guillaume, est venu s’ajouter vers 1120 un nouveau hall construit par son fils, Henri Ier Beauclerc, aujourd’hui conne sous le nom de Salle de l’Échiquier. De dimensions plus impressionnantes, cette splendide salle, constitue le seul vestige d’architecture romane civile en Normandie. Ce secteur, défendu par une imposante tour-porte, principal accès au site, est complété au début du XIIe siècle par la construction d’un donjon, grosse tour comparable à celle du château de Falaise, dont il est contemporain.
Peu après 1204, l’administration directe des Capétiens transforme fortement le château de Caen. Le donjon est alors entouré d’un puissant rempart bordé de tours et cerné de fossés, le rendant ainsi autonome par rapport au reste de l’enceinte, dont la défense est complétée par une série de tours. La Porte des Champs, dont la construction à l’est compense la disparition de la tour-porte du XIe siècle, et la Porte Saint-Pierre, défendant l’accès à la ville, complètent le dispositif de l’enceinte. Elles sont fortifiées pendant la Guerre de Cent Ans.
Malgré quelques travaux de consolidation au début du XVIe siècle, le rôle du château se cantonne tout au long de l’époque moderne à celui d’une modeste garnison. À l’état de semi-abandon lors de la Révolution française, la Convention Nationale décrète la démolition du donjon, qui est achevé au XIXe siècle par les militaires de la Caserne Lefèbvre. Les derniers vestiges sont ensevelis pour aménager place d’armes et bâtiments de casernement.
Rendu aux civils après les bombardements de 1944, le château devient un élément majeur dans le plan d’urbanisme de la Reconstruction. Vaste jardin où l’on aime à venir flâner et découvrir les vestiges mis au jour lors des fouilles archéologiques menées par Michel de Boüard, le château abrite désormais « l’enceinte des musées ».